Profession d’Ostéopathe : des données démographiques et socio-économiques préoccupantes
Depuis plusieurs années, des acteurs de terrain alertent sur un avenir sombre sur le plan démographique et socio-économique pour les ostéopathes. Face à ces alertes, certains discours se voulaient rassurants, notamment de la part de certains instituts de formation. Il est vrai que le manque de données fiables sur le sujet pouvait laisser part belle à ces confrontations d’idées et ne permettait pas un éclairage fondé aux futurs étudiants en ostéopathie et à leurs familles.
En effet, les chiffres se basaient sur les rapports annuels de l’Union Nationale des Associations de gestion Agréée (UNASA). Ces chiffres donnaient une vision incomplète car la souscription à une Association de Gestion Agréée (AGA) est volontaire et n’est nullement utile aux ostéopathes aux revenus non imposables, c’est-à-dire les revenus d’activité les plus faibles.
Les données du répertoire ADELI, donnant un aperçu de la démographie, indiquant 39 511 ostéopathes en janvier 2023 (source : osteopathes.pro) comportent également une adhésion qui est volontaire et gratuite, tout comme la désinscription. Ce répertoire semble donc comporter des doublons, ostéopathes de même identité n’ayant pas demandé leur radiation à l’arrêt de leur activité ou lors de leur changement de lieu d’exercice avec obtention d’un nouveau numéro ADELI.
Le dernier Rapport de l’IGAS ainsi que les récents travaux réalisés par l’équipe d’ostéopathes.pro, et l’article “The Profile of French osteopaths” par Agathe Wagner et al. suite à l’enquête OPERA nous apportent des données plus robustes et convergentes.
Sur le plan démographique tout d’abord, nous apprenons que l’âge médian des ostéopathes est de 35 ans. Le nombre attendu de départs en retraite est donc faible.
Nous apprenons également qu’en janvier 2022, le nombre d’ostéopathes adhérant à la CIPAV, caisse de retraite obligatoire pour les ostéopathes non professionnels de santé était de 15 043 pour environ 27 000 ostéopathes non professionnels de santé inscrits au répertoire ADELI. Pire, si on considère un apport annuel de 1 800 ostéopathes nouvellement diplômés, alors 3 000 ostéopathes diplômés ces 10 dernières années n’exerceraient déjà plus, sans compter les ostéopathes en exercice en 2012, qui étaient déjà de plus de 11 000 et dont l’âge de la retraite n’est pas arrivé pour l’immense majorité d’entre eux.
Les données socio-économiques ne sont guère plus rassurantes. Le bénéfice moyen des ostéopathes est de 23 641 euros en 2022 contre 26 191 euros encore en 2021. 50% des ostéopathes déclarent un bénéfice de moins de 17 500 euros soit moins de 1 458 euros par mois (le SMIC étant de 1 747.20 euros brut). Là encore, ces chiffres issus de l’UNASA excluent les ostéopathes micro-entrepreneurs dont la part représente 23.6% de la profession. Ces professionnels représentent souvent les professionnels aux revenus les plus modestes, aussi, il est possible que les revenus annoncés soient supérieurs à la réalité !
Si les recettes semblent connaître une légère augmentation, il est possible qu’elles soient la résultante d’une hausse du prix de la consultation. Malgré tout, les résultats précédents montrent que cette hausse ne compense pas la totalité de la hausse des charges de fonctionnement. Pire, il est à craindre que le contexte socio-économique actuel marqué par l’inflation et ses conséquences, ne permettent pas une nouvelle hausse du prix de la consultation, voire réduisent considérablement le nombre total de consultations laissant craindre un impact défavorable sur les revenus des ostéopathes.
S’il existe des disparités selon les régions concernant le revenu moyen des ostéopathes, la tendance est à la baisse pour 10 des 12 régions de France métropolitaine, allant de pair avec l’augmentation de la densité d’ostéopathes par habitant. Certaines régions, comme la région Bretagne voient le bénéfice moyen diminuer de 19.81% entre 2017 et 2022, mais également les régions Pays de Loire, Grand Est et Normandie dont le bénéfice moyen des ostéopathes a diminué de plus de 15% entre 2017 et 2022.
Il nous semble nécessaire d’informer de manière transparente sur cette croissance démographique bien que comportant des disparités fortes entre les régions, explicables par le profil du secteur (région touristique à plus forte densité saisonnière de population, régions rurales à moins forte densité d’ostéopathes mais pour lesquelles il est difficile d’estimer les attentes de la population y résidant), ainsi que sur cette baisse générale des revenus dont les indicateurs à notre disposition à ce jour, ne laissent guère présager de modifications favorables à court terme pour la profession.