L’ostéopathie dans les médias : les détracteurs s’obstinent

Force est de constater que la pression menée par les détracteurs de l’ostéopathie dans les médias et sur les réseaux sociaux, impliquant le Conseil National de l’ordre des masseur-Kinésithérapeutes (CNOMK) par la voie de sa Présidente ou de son Secrétaire Général, ainsi que des professionnels de santé se proclamant de la mouvance “No Fake Med”, est intense.

Nous le constatons encore dans le Hors Série n°213 d’avril-mai 2022 de 60 millions de consommateurs, intitulé “Vaincre le mal de dos” , ou encore dans un “Tableau des techniques illusoires signalées au Conseil national de l’ordre des masseurs-kinésithérapeutes

Si nous entendons certains de leurs arguments nous opposant un nombre insuffisant de publications d’études scientifiques, nous remarquons également que leurs arguments s’appuient sur :

  • la critique de l’utilisation de modèles thérapeutiques historiques (ostéopathie viscérale, ostéopathie crânienne) qu’ils n’hésitent pas à qualifier de dérives sectaires,
  • l’occultation du modèle Evidence Based Practice (Médecine basée sur les preuves) dont les 3 piliers sont l’expérience clinique, l’expérience du patient, les données de la recherche. Seul le pilier “données de la recherche” est pris en compte par ces derniers.

  • des erreurs grossières et volontaires lors de l’exploitation des résultats de l’étude LC-Ostéo aboutissant à la conclusion, par usage de raccourcis douteux, que l’ostéopathie n’est pas plus efficace qu’un placebo. Pour mémoire, cette étude avait évalué un traitement standard composé de techniques manuelles et ostéopathiques versus un traitement simulé réalisé en toucher léger. L’étude avait montré une différence statistiquement significative entre les résultats des deux groupes, les résultats étaient cependant insuffisants pour démontrer une efficacité clinique des effets spécifiques des techniques manuelles ostéopathiques sur la douleur chez des patients présentant une lombalgie chronique ou subaiguë. La question de l’évaluation de l’ostéopathie n’a quant à elle jamais fait l’objet de cette étude.

En réalité, ces arguments utilisés concourent vers la prééminence du modèle biomédical selon lequel la santé constitue l’absence de maladie, de douleur ou de défaut, ce qui rend la condition humaine normale “saine”. Le modèle biomédical est centré sur la maladie et exclut les influences psychologiques, environnementales et sociales qui s’appliquent aux patients.

L’Organisation Mondiale de la Santé, définit quant à elle la santé comme “un état de complet bien-être physique, mental et social et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité.”

Le modèle biomédical n’est pas, malgré ce que certaines personnes laissent entendre, l’unique modèle référencé dans le cadre thérapeutique. Par exemple, le modèle biopsychosocial “suppose que les facteurs psychologiques et sociaux doivent également être inclus avec le biologique dans la compréhension de la maladie ou trouble d’une personne”.

L’utilité de modèles permettant une approche centrée sur la personne, prenant en considération le contexte socioculturel des patients, leurs valeurs, leurs aspirations, a largement été étudié et donné lieu à des publications scientifiques. Dans leur article “The legacy and implications of the body-mind-spirit osteopathic tenet: A discussion paper evaluating its clinical relevance in contemporary osteopathic care” ayant fait l’objet d’une publication dans l’IJOM le 2 juin 2021, Rafael Zegarra-Parodi et coll. reviennent sur ce point. Dans ce contexte, les capacités d’auto-guérison sont totalement éloignées d’éléments surnaturels qui permettraient la guérison.

Utilisée par de nombreux ostéopathes, une approche biopsychosociale, centrée sur la personne, s’applique parfaitement à la prise en charge de troubles fonctionnels. Steven Vogel montre parfaitement dans son éditorial publié le 7 septembre 2021 dans l’International Journal of Ostheopathic Medicine (IJOM) la nécessité pour les ostéopathes d’afficher une identité et de définir le champs d’action de l’ostéopathie en rapport avec les données acquises par la science. Ce dernier ajoute la réalisation de 45% des consultations pour des “symptômes médicalement inexpliqués” communément nommés troubles fonctionnels. Il est dès lors légitime et nécessaire de nous interroger sur les raisons poussant ces patients à se tourner vers les thérapies complémentaires dont l’ostéopathie si les soins correspondant au modèle biomédical répondaient pleinement à leurs besoins.

Nous souhaitons rappeler en guise de conclusion que :

  • les ostéopathes n’échappent pas à la nécessaire actualisation de leurs connaissances, ni à la recherche comme en témoignent les nombreuses publications disponibles sur l’IJOM ou encore Frontiers. Nul doute que les apports scientifiques permettront de démontrer les mécanismes explicatifs des résultats favorables constatés par de nombreux patients. A ce titre, les modèles d’ostéopathie crânienne et d’ostéopathie viscérale décriés par le CNOMK, sont des modèles historiques utilisés en ostéopathie, actuellement challengés par la science, et ne peuvent à eux seuls résumer le travail sur le crâne ou la sphère thoraco-abdominale ni expliquer le large plébiscite réellement constaté de ces techniques par le grand public. Des réflexions académiques sont du reste en cours au sein de la profession d’ostéopathe.

  • les connaissances délivrées tant lors des 4 860 heures ou 5 années de formation initiale des ostéopathes, que dans le cadre de la formation continue post diplôme permettent de détecter, récuser et orienter au mieux des patients qui, du fait d’une éventuelle maladie, nécessiteraient une prise en charge conforme au modèle biomédical.

  • les ostéopathes ne font pas abstraction du modèle Evidence Based Practice (EBP) et prennent en compte ses 3 piliers fondateurs en interpénétration à savoir l’expertise clinique du praticien, les valeurs des patients, et les données probantes issues de la recherche. A ce propos, si ce troisième point, largement pointé par les détracteurs de l’ostéopathie, est encore largement perfectible, il n’en demeure pas moins que, outre le fait que ces derniers occultent sciemment les deux autres points, le processus de recherche est enclenché dans le domaine de l’ostéopathie.

  • les capacités d’auto-guérison du corps humain, que le Secrétaire général du CNOMK n’hésite pas à qualifier de “dérive thérapeutique voir sectaire” sont simplement signe d’un processus d’évolution spontanée vers la régression des symptômes. En l’état actuel des connaissances, nous ne pouvons affirmer plus concernant l’influence thérapeutique de ce processus.

  • la place des ostéopathes dans le champs de la santé n’est plus à démontrer comme l’attestent les textes réglementaires tels que l’Annexe 1 de l’Arrêté du 12 décembre 2014 : Référentiel activité et compétences ou encore le Décret n° 2016-994 du 20 juillet 2016 relatif aux conditions d’échange et de partage d’informations entre professionnels de santé et autres professionnels des champs social et médico-social et à l’accès aux informations de santé à caractère personnel permettant le partage d’informations relatives à la même personne prise en charge et nécessaires à la coordination ou à la continuité des soins.

Nous constatons là une attaque frontale de tout ce qui ne rentre pas dans le cadre biomédical, et pas uniquement de l’ostéopathie, par des représentants de professions dont les acteurs n’utilisent également pas seulement des approches suivant le modèle EBP. Si nous sommes certains du caractère indispensable de l’approche biomédicale dans un contexte de pathologie organique, nous nous interrogeons fortement quant aux risques pour les patients porteurs de symptômes médicalement inexpliqués de les éloigner délibérément d’approches thérapeutiques réglementées et se limitant à la prise en charge de patients porteurs de troubles fonctionnels, là où une approche biomédicale ne semble manifestement pas solutionner leur problématique.

Face aux blocages corporatistes, il est plus que jamais nécessaire pour les ostéopathes de faire preuve de résilience, d’union et de poursuivre l’avancée sur la voie de la recherche ainsi que l’utilisation des connaissances acquises par la science.

Le Conseil d’administration