Burn-out et ostéopathie
Quand l’ostéopathie combat l’épuisement physiologique
Dès 1948 Hans Selye décrit un syndrome général d’adaptation au stress composé de trois phases : alarme, résistance et épuisement. 1 Lorsqu’un individu est soumis à un stress intense durable, son organisme produit une quantité excessive de cortisol qui lui permet de résister mais il dépasse ainsi ses limites de tolérance en fatigue physique et psychique. L’épuisement des ressources vitales peut conduire à une atteinte grave du système immunitaire. Cette notion d’épuisement physiologique est toujours présente dans le burn-out.
Chantal Ropars, Ostéopathe et Docteure en psychologie à Charenton le Pont, nous en dit plus.
Quels sont les causes et effets d’un burn-out ?
Le syndrome d’épuisement professionnel ou burn-out désigne l’état d’épuisement physique et psychique en milieu du travail. Les personnes en burn-out sont restées en situation de stress chronique, contraintes de relever des défis dans des enjeux de survie (emploi, rémunération), des enjeux affectifs (attachement ou harcèlement) ou des défis éthiques et sociétaux. Les employés en burn-out sont des travailleurs très ou trop motivés, qui dépassent leurs limites et qui ne peuvent plus s’arrêter de travailler (horaires et exigence excessifs, impossibilité de déléguer réelle ou perçue).
« La cause la plus spécifique est sans nul doute un idéal en deuil. Non seulement on se sent en échec, mais on réalise soudain que tous les efforts présents ou futurs ne serviront à rien » explique Chantal Ropars. Selon Christophe Dejours2, psychiatre et fondateur de l’Institut de psychodynamique du travail, les évaluations personnelles systématisées dans les entreprises et le zèle déployé par les différents managers sont responsables d’une souffrance au travail considérable. Elle est d’autant plus intolérable que les objectifs fixés sont inatteignables, les moyens obscurs, la responsabilité excessive ou le délai imparti intenable.
Alors que la dépression (perte d’un objet d’attachement) entraîne de la tristesse, le burn-out produit, quant à lui, de la colère, de la désillusion et un manque d’épanouissement au travail. Ces deux syndromes amènent des « troubles graves du sommeil, pleurs et hypersensibilité ou indifférence à la souffrance d’autrui, prise ou perte de poids, absence d’envie de faire et de désir (dont désir sexuel), idées noires capables de conduire au suicide » décrit Chantal Ropars. Le recours aux toxiques (alcool ou drogue) est également fréquent dans le burn-out, la dépression et les troubles anxieux. Enfin, dans le burn-out notamment les critiques excessives, le harcèlement et les consignes paradoxales atteignent et fragilisent la confiance en soi, voire même l’estime de soi.
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Ce terme fut d’abord utilisé par Freudenberger et les équipes soignantes des Free Clinics, en charge des toxicomanes désœuvrés des squares publics aux USA dans les années 1970 ; il avait compris que leur « burn-out » était dû à l’immensité de la tâche à accomplir, à leur charge mentale, à l’enjeu éthique et sociétal du défi qu’ils avaient endossé. C’est pourquoi Henri Laborit3 propose de fuir ces stress durables qui occasionnent d’abord fatigue, douleurs articulaires, troubles de la digestion et infections chroniques.
Pourquoi faire appel à un ostéopathe ?
Selon Chantal Ropars, « l’ostéopathie a l’avantage d’offrir aux patients un espace d’acceptation sans condition et sans justification. On peut reprendre un peu de la confiance en soi tant attaquée dans le burn-out. Plus le temps des consultations est long, plus il permet aux patients de déposer leur souffrance psychologique. Parfois, le simple fait de s’entendre dire sa souffrance permet de retrouver un fonctionnement mental plus approprié et de s’enfuir. L’approche tissulaire et son rythme apaisé favorise les pensées profondes : on contacte son être, sa souffrance intime, on renoue parfois avec un peu de clarté sur sa valeur propre ».
Dans toutes les approches ostéopathiques, établir un lien thérapeutique de confiance est crucial pour que le patient puisse abandonner son corps. L’ostéopathie est donc un espace dit de « restauration narcissique » où on peut reprendre au moins un peu confiance en soi. L’ostéopathie serait très utile surtout dans des phases précoces d’épuisement, avant la confusion mentale et le recours aux toxiques. Toutefois la colère, la perte de confiance en soi et la culpabilité sont des émotions et des souffrances qui ont besoin de mots pour s’élaborer. Il faut souvent réévaluer un idéal infantile démesuré, relativiser un surmoi parental trop exigeant, comprendre qu’on peut se sentir coupable alors qu’on est victime, élaborer des stratégies de survie en milieu hostile quand on ne peut pas fuir.
Quelle place pour l’ostéopathie dans le soulagement du stress au travail ?
Dans un cadre professionnel, la première fonction de l’ostéopathie serait de soulager des douleurs et déséquilibres musculosquelettiques acquis lors de l’activité (ordinateur par exemple). « Soulager des douleurs et améliorer le sommeil donne à l’ostéopathie une grande légitimité pour soigner les premiers déséquilibres conduisant au burn-out » estime Chantal Ropars. L’ostéopathie aurait donc une place de qualité dans la prévention santé en entreprise en alliant une fonction thérapeutique forte, un espace de parole où on peut dire sa souffrance et un temps de pause très qualitatif du point de vue santé et bien-être. « Il n’en reste pas moins que pour des personnes très perturbées, les vacances s’imposent, de même qu’un espace de parole pour réfléchir, parfois un soutien médical spécialisé (médecine du travail) ou un collectif existant au sein de l’entreprise pour s’assurer des dysfonctions professionnelles auprès des collègues et sortir de la confusion et du désarroi personnel » conclut-elle.
A quel moment faut-il passer la main ?
Dès qu’un ostéopathe perçoit un patient en danger (éventualité de suicide, recours aux toxiques, manque de sommeil perturbant le sens des réalités) ou dans une impasse, le recours à une aide psychologique spécialisée est indispensable. Parfois même les médicaments seront inévitables pour prévenir un suicide ou restaurer le sommeil. Si le temps presse, le psychiatre sera précieux et toujours susceptible d’orienter vers une psychothérapie. Pour Chantal Ropars, il serait nécessaire que « les ostéopathes connaissent le test de Maslach Burn-out Inventory (MBI) et ses trois catégories de signes (épuisement, dépersonnalisation et épanouissement personnel) pour bien les repérer dans une anamnèse ».4
- 1 H. Selye. L'histoire du syndrome général d'adaptation, Gallimard, coll. «L'avenir de la science», 1954
- 2 Ch. Dejours. Souffrance en France, la banalisation de l’injustice sociale, Paris, Seuil, 2006, et vidéos sur le net.
- 3 H. Laborit. L’éloge de la fuite, Paris, Gallimard, 1981.
- 4 Maslach, C et col. (2006). Burn-out : l’épuisement professionnel. Presses du Belvédère et Burn out syndrome: échelle MBI.