La prise en charge du sportif
Une technique de soin à adapter
En ostéopathie, les praticiens sont régulièrement confrontés à la prise en charge de sportifs, qui demande une attention particulière. En effet, si la sollicitation du corps est plus extrême chez le sportif de haut niveau, les motivations en loisir, notamment celles du dépassement, peuvent amener à une mise « en danger » du corps.
L’ostéopathe doit donc s’adapter aux besoins spécifiques et aux contraintes physiques, environnementales et spécifiques qui s’exercent sur le corps du sportif, notamment afin d’éviter la blessure.
Éric Perraux, ancien sportif professionnel et ostéopathe du sport, conseille de différencier les divers types de pathologies sportives et d’adapter le soin ostéopathique à ces différents contextes. Il faut ainsi distinguer les traumatismes, les pathologies aigues-chroniques et les pathologies chroniques.
Traiter un traumatisme signifie agir sur une urgence. En effet, la pathologie est souvent lésionnelle (déchirure ou entorse). La prise en charge peut être directe quand l’ostéopathe est sur le terrain. Il faut alors une bonne lecture du traumatisme : la visualisation du geste traumatique va permettre d’appréhender la zone touchée, le mécanisme et le degré de gravité de la blessure. En l’absence de visualisation de la chute par exemple, l’interrogatoire permettra de mieux comprendre la blessure. En effet, « la façon dont le sportif décrit ses maux est très parlante », insiste Éric Perraux : le sportif est habitué à être à l’écoute de son corps, il a parfois l’expérience des blessures et sait ainsi être précis.
Dans un second temps, l’ostéopathe réalise son diagnostic palpatoire ostéopathique qui va l’amener à traiter une première zone : il s’agit généralement de la zone touchée. Parfois, c’est un autre élément qui va attirer l’attention du praticien : « il est nécessaire pour être juste dans son soin de ne pas se laisser absorber par les signes cliniques évidents mais bien de garder l’approche systémique pour déterminer la zone à travailler », précise-t-il. Par exemple, une entorse de cheville peut avoir été favorisée par un dysfonctionnement du genou. Dans ce cas, c’est celui-ci qui pourrait être l’objet du premier traitement.
Une deuxième séance, voire plus, peut être indiquée selon l’importance de la blessure et en corrélation avec les autres prises en charge médicale et paramédicale. Il s’agira alors de contrôler la zone locale et puis de plus en plus, d’effectuer un soin systémique pour éviter les récidives, réduire les conséquences nocives de la blessure sur le reste du corps, mais aussi pour travailler sur ce qui aurait pu prédéterminer la blessure.
Fort de son expérience, Éric Perraux apporte un conseil : sur la fin du traitement, que le sport effectué le soit pour le loisir ou la compétition, il est prudent de préciser le diagnostic médical et de fixer un prévisionnel des dates de reprise même si elles restent adaptables en partie. « Il faut par exemple indiquer quand il sera possible de marcher, puis de courir, mais aussi de reprendre l’entrainement, et enfin la compétition. C’est essentiel pour lever les doutes qu’induirait un flou quant au rétablissement du patient ! ».
Les pathologies aigues-chroniques concernent les cas où le sportif souffrait déjà depuis quelques temps mais qu’un phénomène « aigu » survient. Il peut également s’agir des situations ou la douleur devient de plus en plus chronique avec une inflammation par exemple qui va demander l’arrêt de la pratique.
Ces cas sont plus complexes pour l’ostéopathe : celui-ci doit dès la première séance prendre en charge l’ensemble des systèmes (neuro-endocrinien, viscéral, et musculo-squelettique). « C’est là que l’hygiène de vie intervient et qu’en tant que soignant, nous devons effectuer un travail éducatif, en parallèle du travail sur les systèmes liés au drainage du corps par exemple ».
Enfin, les pathologies chroniques sont celles qui s’installent et perdurent, qui parfois vont impliquer l’arrêt d’une carrière ou un changement d’activité « Pour celles-ci, l’analyse doit arriver très vite sur l’individu, n’oublions pas que le contexte humain joue sur l’installation d’une pathologie ! », rappelle Éric Perraux.
Le travail se place souvent beaucoup plus sur l’axe cranio-sacré et les organes centraux, avec un examen minutieux des zones de sécrétions hormonales.
Au-delà du côté humain, attention de ne pas négliger le côté « sportif-dépendant », il faut aussi savoir travailler avec l’équipe technique afin de déceler le risque dans la technique : si le sportif a un geste répétitif dommageable ou « raté », il faut alors l’inciter à modifier sa gestuelle afin d’augmenter ses capacités, de préserver son organisme voire de prolonger sa carrière s’il s’agit d’un professionnel.
Pour éviter la blessure, une prise en charge en amont est tout à fait envisageable. L’ostéopathe doit rechercher les zones de dysfonctionnement ou d’insatisfaction tissulaire ou articulaire : ce sont celles qui perdent de la mobilité ou de la motilité (raideurs, spasmes, tensions…) et qui entraînent d’une part une perte de performance, mais surtout, le risque.
Il faut inciter ses patients à consulter avant la blessure, à la rentrée ou avant la saison, ou à envisager un bilan en phase de préparation. Un protocole de soins (juste une autre séance ou des séances régulières si nécessaire) pourra alors être mis en place.
Le suivi préventif peut également être enclenché dès qu’un problème mineur apparaît.
En conclusion, « l’ostéopathe et le sportif sont deux personnes qui s’intéressent au corps, l’un pour le soigner, l’autre pour le cultiver, ce qui ne va pas sans développer un certain narcissisme chez l’un et l’autre… alors que l’ostéopathe qui s’occupe du sportif sache humilité garder ! » conclut Éric Perraux.