Approche ostéopathique de l’apnée du sommeil
Entretien avec Caroline Alvarado
L’apnée du sommeil, trouble qui touche environ 5% de la population française, adultes comme enfants, est un véritable enjeu de santé publique, et pour cause, on estime que 7 personnes apnéiques sur 10 ne sont pas encore diagnostiquées. A l’occasion du congrès annuel des Ostéopathes de France du qui a réuni les professionnels autour du thème central du sommeil, Caroline Alvarado, ostéopathe et kinésithérapeute, spécialisée en rééducation maxillo-faciale et des troubles du sommeil à Lyon, nous apporte son éclairage.
Apnée du sommeil : de quoi parle-t-on ?
Le syndrome d’apnée hypopnée du sommeil (SAHOS) se caractérise par des interruptions (apnées) ou des réductions (hypopnées) de la respiration sur un temps plus ou moins long (jusqu’à 30-40 secondes), qui peuvent se répéter plusieurs fois dans la nuit et entraîner un déficit d’oxygénation au niveau cérébral.
Le degré de sévérité du SAHOS se mesure au nombre d'apnées/hypopnées par heure de sommeil (IAH ou indice d'apnées/hypopnées) :
Chez l’adulte :
- entre 5 et 15, l'apnée du sommeil est légère ;
- entre 16 et 30, l'apnée du sommeil est modérée ;
- si l'indice d'apnées/hypopnées (IAH) est supérieur à 30, l'apnée du sommeil est sévère.
On note que chez l’enfant, on peut poser un diagnostic de TROS (trouble respiratoire obstructif du sommeil), avec un IAH très bas.
Ces apnées sont causées par une obstruction des voies respiratoires supérieures qui empêche l’air de passer librement.
L’ostéopathie pour soulager les symptômes des troubles du sommeil
Les patients consultent un ostéopathe pour des troubles de sommeil type insomnie ou hypersomnie afin d’obtenir des manœuvres de détente, de relaxation, des techniques crâniennes qui vont être apaisantes. « Les personnes décrivent une altération de leur sommeil, soit en dette, c’est-à-dire qu’ils ont l’impression que leur sommeil est insuffisant, non réparateur, soit en excès, ils ont l’impression de passer trop de temps à dormir » explique Caroline Alvarado.
Très souvent, la découverte de l’apnée du sommeil du patient se fait de manière opportuniste. Selon Caroline Alvarado, le patient peut venir, par exemple, pour un problème de cervicalgie, puis au cours de la consultation il ajoute qu’il est fatigué, avec des maux de têtes incessants, qu’il manque d’attention ou de concentration et qu’il ronfle. « Ce sont de multiples signes évocateurs d’apnée du sommeil, que nous devons reconnaître pour poser un diagnostic » estime-t-elle.
Des séances d’ostéopathies, complémentaires au traitement médical, pourraient améliorer davantage les troubles reliés à l’apnée du sommeil. Les manipulations ostéopathiques se concentrent principalement au niveau du crâne et du visage afin de rétablir un mouvement tissulaire correct de la boite crânienne. Par la suite, l’ostéopathe travaille sur la zone maxillaire, le palais, le nez, la bouche mais également sur le diaphragme, organe essentiel à la respiration. Grace à une meilleure mobilité de la cage thoracique et du diaphragme, la respiration sera améliorée.
Une complémentarité entre ostéopathie et kinésithérapie
Les thérapies manuelles, ostéopathie et kinésithérapie, ont leur place dans le dépistage et la prise en charge des troubles du sommeil de l’enfant et de l’adulte.
En ostéopathie, les patients viennent pour tout type de problème et l’ostéopathe peut être amené à faire un diagnostic d’apnée du sommeil en complément. A l’inverse, quand les patients, adressés par leur pneumologue ou ORL, viennent en rééducation maxillo-faciale chez un kinésithérapeute, le diagnostic est déjà posé. Un Bilan de Kinésithérapie (BDK) complet et spécifique permet d’évaluer les déficiences, puis de cibler les objectifs pour la rééducation.
Pour les patients présentant des troubles fonctionnels, avec une incapacité à respirer par le nez, et une langue très immature et mal positionnée au niveau de sa bouche, l’ostéopathe n’aura pas d’action car un traitement de rééducation, de renforcement musculaire est nécessaire. Pour un travail rééducatif de l’apnée, le patient est adressé à un kinésithérapeute.
Quel rythme dans la prise en charge ?
La durée du suivi ostéopathique dépend de l’ancienneté du trouble. « Par exemple, si un enfant est apnéique car il a des amygdales très volumineuses, il va être adressé chez un ORL qui va les lui enlever chirurgicalement, et, ensuite on lui réapprend à respirer normalement, à placer sa langue correctement, il est possible qu’en quelques séances, ce soit complètement terminé » estime Caroline Alvarado.
En revanche, pour un adulte qui est déconditionné sur le plan physique, qui dort mal depuis des années, qui a pris du poids, qui a de l’hypertension, de l’hypercholestérolémie, le « détricotage » de son symptôme va être très long et il sera parfois nécessaire de l’aider à mieux respirer via la mécanothérapie (PPC, OAMc, voire infra).
Les limites de la prise en charge de l’apnée du sommeil
Ni l’ostéopathe, ni le kinésithérapeute ne guérissent un patient de son apnée du sommeil, apnée qui aura été diagnostiquée par un enregistrement en polysomnographie. Ils aideront les patients à mieux observer leur traitement, mais ne pourront pas s’y substituer (sauf en cas de SAHOS léger).
C’est un accompagnement intéressant, notamment pour les patients appareillés soit avec une Pression Positive Continue (PPC), soit une Orthèse d’Avancée Mandibulaire (OAM). Le traitement par PPC, traitement de référence pour les apnées sévères, est caractérisé par une assistance respiratoire extérieure, une machine insuffle de l’air de manière rythmique dans les voies aériennes, par l’intermédiaire d’un masque facial ou nasal.
L’OAM, solution recommandée pour les apnées légères à modérées, est une double gouttière réalisée sur-mesure, portée la nuit, qui pousse la mandibule en avant (ce qui agrandit les voies aériennes), et facilite le passage de l’air au niveau du pharynx. Attention, tout le monde n’est pas éligible au traitement par OAM.
Enfin, le dernier traitement à citer, est la chirurgie orthognatique d’avancée mandibulaire.
Les personnes appareillées risquent d’avoir des difficultés à tolérer leur machine, dans ce cas, le rôle de l’ostéopathe et du kinésithérapeute va être de rendre l’appareillage le plus efficient possible.
Un dépistage pluridisciplinaire
L’apnée du sommeil représente un problème de santé publique, en effet, 7 apnéiques sur 10 ne sont pas encore diagnostiqués. La situation et la manière de vivre aujourd’hui, la pollution, un appartement mal aéré, l’exposition des enfants à la lumière bleue par l’intermédiaire des écrans, renforcent les troubles du sommeil. L’hygiène de vie, avec un respect de consignes hygiéno-diététiques appropriées, est à prendre en compte dans la prise en soins des troubles du sommeil.
Le dépistage médical, paramédical est pluridisciplinaire mais le dépistage réalisé par l’entourage est tout aussi important et est de la responsabilité de chacun. Il est primordial de savoir reconnaître les signes d’alertes : fatigue, céphalées matinales, « le presque accident », somnolence, insomnie, troubles de la concentration ou de l’attention…